Né le 27 novembre 1898, il était
entré à Polytechnique dans la promotion spéciale de 1920.
Très coté sur le plan technique,
il avait longtemps travaillé avec l'Ingénieur Général Antoine quand
celui-ci était responsable des études de batiments légers
(torpilleurs, contre-torpilleurs) aux services techniques de la marine
à Paris.
Sa vaste intelligence, son
extraordinaire mémoire, la stricte discipline qu'il s'imposait et qu'il
exigeait de ses subordonnés provoquaient chez eux qui ne le
connaissaient que dans le service une admiration respectueuse et même
craintive.
A l'égard des ouvriers, il se
montrait dur et quand il dut feindre la collaboration avec les Allemands
et jouer à fond son double jeu, il fut haï.
La foule le conspua quand il
partit en octobre 1942 avec le convoi qui emmenait à Westmüde le
contingent des hommes désignés pour travailler en Allemagne.
Pendant quatre ans, dans la ville de Lorient, le nom
de Stosskopf fut honni des patriotes. Comment supposer en effet que
Jacques Stosskopf puisse être autre "chose" qu'un
collaborateur et un ancien agent de la cinquième colonne ?
Cependant, à l'insu de
tous, accablé par le mépris de ceux qui l'entourent, Stosskopf
accomplit une oeuvre surhumaine. Pas un sous-marin ne franchit la passe
de Port-Louis sans que les Alliés n'en soient avertis.
Par des conversations avec les Allemands, il
receuille des renseignements vitaux qu'il communique aux anglais.
Favorisé par sa mémoire, il arrive lui même à identifier des
dizaines de sous-marins qui ne portent ni nom, ni numéro.
Il encourage le sabotage dans l'arsenal et la grève
perlée. L'aviso Bisson, ainsi que d'autres batiments en construction à
l'époque de l'armistice ne seront terminés qu'après la libération.
A ses camarades de travail, il a
alissé de très beaux et très purs souvenirs. Ce n'était pas
seulement un chef respecté mais aussi un camarade très sur et un ami
cordial. Son patriotisme intransigeant n'appelait pas en eux le moindre
doute. Les chefs allemands qui commandaient à Lorient se rendirent bien
compte à partir de 1943 que le comportement de Stosskopf n'était pas
celui d'un ami du reich.
Au début de l'année 1944,
un agent du réseau "Alliance" torturé par la Gestapo donne
le nom de Stosskopf qui est arrété le 21 février de la même année.
A Lorient, on ne s'étonne guère lorsqu'il disparait subitement et
certains pensent qu'il a été placé au commandement de la base de
Kiel. Après son arrestation, il fut dirigé sur Vannes puis Rennes : au
cours de l'été, il fut transféré à Compiègne puis au camp du
Schirmeck.
Son long calvaire se terminera au camp du Struthof
où il sera, avec d'autres prisonniers, massacré dans la nuit du 1er au
2 septembre 1944.
Par décret du 25 octobre 1945,
l'Ingénieur Général du Génie Maritime Jacques Stosskopf fut promu au
grade de Commandeur dans l'ordre national de la légion d'Honneur,
promotion comportant l'attribution de la croix de guerre avec palme.
Le 6 juillet 1946, au cours d'une
émouvante cérémonie, le Ministre de la Marine baptisa solennellement
du nom de Stosskopf la base des sous-marins de Kéroman, attachant à ce
gigantesque ouvrage le souvenir d'un grand patriote qui y avait combattu
dans l'ombre.
Le souvenir en est, en
particulier, gardé sur une plaque en bronze fixée sur un mur
extérieur de K1, à coté du "slipway" |